
Suspendu par l’Union africaine après le coup d’État militaire du 14 octobre dernier, Madagascar se retrouve isolée diplomatiquement. L’Union Africaine a dénoncé une « prise de pouvoir anticonstitutionnelle » orchestrée par le colonel Michaël Randrianirina, aujourd’hui autoproclamé chef d’État par intérim. Malgré ce rejet unanime de la communauté internationale, le nouveau pouvoir tente de s’imposer sur la scène régionale.
C’est dans ce contexte que le Conseil National de Défense de la Transition (CNDT) a officiellement mandaté Fanirisoa Ernaivo, ancienne magistrate radiée et figure controversée de l’opposition, pour représenter Madagascar auprès de la Financial Crimes Commission (FCC) à Maurice. Sa mission : demander le gel des avoirs de l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga et initier une coopération judiciaire internationale.
Cependant, cette démarche interroge. Maurice agira-t-elle en faveur d’un régime illégitime ? Comment un État membre de l’Union africaine pourrait-il répondre favorablement à une requête de Mutual Legal Assistance émanant d’un pouvoir non reconnu ? Le CNDT, constitué à la suite d’un coup de force militaire, n’a ni légitimité constitutionnelle ni reconnaissance diplomatique. En donnant suite à sa demande, Maurice risquerait de cautionner un gouvernement dont la légitimité est contestée — au risque de compromettre ses propres principes de droit et de neutralité régionale.
De plus, le profil de Fanirisoa Ernaivo ajoute à la controverse. Ancienne présidente du Syndicat des magistrats, candidate battue à la présidentielle de 2018 elle a été révoquée de la magistrature pour avoir tenu des propos jugés incendiaires contre les forces de l’ordre, avant de s’exiler en France.
Accusée par certains médias d’« incitation à la haine » et d’« usage de faux », elle se présente aujourd’hui comme émissaire d’un régime militaire dont la propre légitimité est rejetée par les institutions internationales.
Ce mélange de politique, de vengeance et de justice internationale donne à cette affaire des airs de feuilleton qui frôle le grand banditisme. Remplacer un régime accusé de corruption par un autre dirigé par des militaires soupçonnés d’abus et d’arbitraire.
Pour Maurice, la prudence s’impose. Coopérer avec un régime suspendu reviendrait à se placer sur une ligne rouge diplomatique.