Interpellé à l’Assemblée nationale par le second député de Rivière-des-Anguilles et Souillac, Roshan Jhummun, le Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, est revenu ce mardi 25 novembre sur la suspension des plateformes de réseaux sociaux intervenue le 1er novembre 2024 à Maurice.
Le député Jhummun souhaitait obtenir des précisions sur les raisons de cette décision, les directives ayant mené à sa mise en œuvre, ainsi que sur ses impacts économiques et sociaux.
Une décision prise « dans l’obscurité », selon le Premier ministre.
Dans sa réponse, le Dr Navin Ramgoolam a rappelé le contexte : le 31 octobre 2024, nuit de Diwali, alors que le pays célébrait symboliquement « la victoire de la lumière sur les ténèbres », l’ancien gouvernement aurait, selon lui, « plongé la nation dans la confusion » en ordonnant la coupure totale des réseaux sociaux — quelques jours seulement avant les élections générales.
Selon ses explications, l’ancien Secretary to Cabinet et chef de la fonction publique, Premode Neerunjun, aurait donné instruction à l’ICTA d’agir après réception d’un rapport du Deputy Director General du National Security Service, Hurrydeo Ramdany.
Ce rapport affirmait que la sécurité nationale risquait d’être compromise par la circulation sur les réseaux sociaux d’enregistrements téléphoniques présumés impliquant des figures politiques de l’ancien régime.
Ces contenus, qualifiés dans la correspondance officielle de menace potentielle contre les « structures constitutionnelles, économiques et sociales » du pays, auraient été à l’origine d’une recommandation de l’Intelligence and Security Coordination Committee appelant à des « mesures immédiates ».
Le Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, a toutefois précisé que l’exécutif de l’époque aurait ignoré les avis du National Security Adviser indien. Malgré cela, l’instruction fut donnée de suspendre les réseaux sociaux jusqu’au 11 novembre 2024, soit le jour même de la proclamation des résultats des élections générales, une date que l’ancien régime « croyait être celle de sa victoire », a ironisé le chef du gouvernement.
Le Premier ministre a affirmé que les enregistrements divulgués sur les réseaux sociaux étaient « extrêmement compromettants » pour l’ancien gouvernement et avaient suscité un fort intérêt public avant les élections.
Sous la présidence de Dick Ng Sui Wa, le conseil d’administration de l’ICTA a ordonné dans la précipitation aux fournisseurs d’accès à Internet de bloquer l’accès à toutes les plateformes sociales, en invoquant la section 18(1)(a) de la loi ICTA de 2001.
Le 1er novembre, la population s’est réveillée face à une décision jugée « sans précédent » et prise « sans égard pour les travailleurs dépendant d’Internet, les étudiants en pleine période d’examens, ni l’économie nationale », a dénoncé le Premier ministre, qualifiant cette manœuvre de « stratagème politique » destiné à tenter d’éviter « une débâcle annoncée », digne « de certains États voyous ou sous despotisme ».
La réaction de la population aurait été « massive, immédiate et inimaginable », a-t-il ajouté, lançant une formule latine pour illustrer l’autodestruction : « Jupiter rend fou ceux qu’il veut détruire. »
Répondant à la deuxième partie de la question, le Dr Navin Ramgoolam a souligné que la suspension avait eu des conséquences « énormes et dévastatrices » : pertes de revenus pour les entreprises dépendantes de la publicité en ligne et du commerce digital ; perturbation des activités des PME, dont beaucoup utilisent les réseaux sociaux comme principal canal de communication et marketing ; difficultés majeures pour les hommes d’affaires et le secteur BPO, entièrement tributaire d’une connectivité fluide.
Il a également insisté sur le préjudice réputationnel subi par Maurice, notamment en matière de respect de l’État de droit, de liberté d’expression, et de son attractivité touristique et économique.
Le Premier ministre a conclu en affirmant que son gouvernement ne permettra jamais qu’une telle décision « portant atteinte aux libertés fondamentales » soit prise à nouveau.
Il a réitéré son engagement envers la liberté d’expression, tout en appelant à un usage « responsable » de ce droit.
Enfin, le Dr Navin Ramgoolam a indiqué que l’enquête sur cette affaire est toujours en cours.